Résumé : Influence et Manipulation, nouvelle édition
Résumé: Influence et manipulation, la nouvelle édition

Influence et manipulation de Robert Cialdini, la nouvelle édition
La Bible des techniques de persuasion a été réédité cette année. Robert Cialdini, auteur d’ « Influence, the Psychology of persuasion », (mal) traduit en français par « Influence et manipulation », a enrichi l’ouvrage original de notes, d’expériences de lecteurs et de stratégies de défenses contre l’utilisation non éthique de ces principes.
Dr. Robert Cialdini est un professeur émérite en Psychologie et Marketing de l’université d’Arizona. L’auteur a passé plusieurs années à assister à des formations commerciales sous une autre identité et observer les professionnels de la persuasion à l’œuvre pour en décrypter les mécanismes : Vendeurs automobiles, télémarketeurs, sectes, responsables de collecte de fonds…
Publié pour la première fois en 1984 l’ouvrage a profondément marqué le domaine de la psychologie, psychosociologie et du marketing. Le travail de Cialdini fait le lien entre les recherches en psychologie sur les biais cognitifs et leurs exploitations dans la vie quotidienne : de la propagande politique en tant de guerre au restaurant du coin qui influence votre choix vers un plats plus rentable, il en analyse les stratégies d’influence.
Comprendre les processus sous-jacents de la psychologie de la persuasion, c’est pouvoir s’en protéger mais c’est aussi apprendre à les utiliser. L’influence et la persuasion, si elles sont pratiquées dans un cadre éthique, permet de créer de véritables changements chez un individu, un groupe, une société. Que l’on soit professeur, thérapeute, président d’une association et même parent, appréhender ces techniques permet d’ « influencer » une personne vers un mieux-être, une croissance personnelle, de rassembler un groupe vers un objectif commun, d’encourager une société à changer des habitudes néfastes sur le long terme.
Comme toujours, tout dépend de l’intention de celui qui utilise un outil : détruire, limiter pour son intérêt ou au contraire aider, faire grandir.
Mais revenons-en au contenu du livre :
Les techniques de persuasions s’appuient sur l’existence chez l’homme de schémas préétablis, de biais cognitifs et de mécanismes inconscients.
Chez Les humains, comme chez l’animal, ces réactions automatiques nous facilitent la vie et contribue à notre survie. Si un animal perçoit la présence d’un prédateur il va fuir et le déclenchement de cette réaction de fuite, s’appuie sur un élément très simple : une couleur, un son particulier, un mouvement dans les herbes de la savane… Les réactions automatiques évitent des réflexions couteuses (dans le cas d’un danger imminent) et énergivores face à une multitude d’informations et de choix. Même en l’absence de risque pour notre survie, l’utilisation chez l’homme de la logique et de l’analyse pour chaque décision du quotidien impliquerait que toutes les ressources mentales soient consacrées à ces tâches. Ces schémas de réaction préétablis sont donc nécessaires pour la suivi et l’évolution de l’espèce et sont la plupart du temps efficaces et adaptés.
Il existe des schéma préétablis universels sur lesquels s’appuie les professionnels de la persuasion. L’auteur identifie 7 leviers d’influences.
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La réciprocité :
Ce principe est indispensable à la survie des sociétés et donc de l’espèce. La réciprocité permet aux individus de coopérer pour des bénéfices dans le futur. Les anthropologues ont démontré qu’il n’y a pas de sociétés sans ce principe de réciprocité. C’est un principe-valeur que l’on nous enseigne dès l’enfance : quand quelqu’un vous fait une faveur, vous devez la retourner. Même si nous n’avons pas sollicité la faveur au départ, même si la demande de réciprocité est inégale, ce principe s’applique. Les échantillons gratuits des industriels, les cadeaux que l’on reçoit des associations caritatives avec la demande de don, s’appuie sur ce principe là pour obtenir un retour sur investissement.
La réciprocité s’applique également pour les concessions : si nous refusons une requête que nous jugeons trop contraignante ou importante, nous avons tendance à accepter juste après une demande moindre, même si nous ne l’aurions pas voulue de prime abord. Cette technique est appelée en psychologie sociale « la porte au nez ». La personne sollicitée éprouve le besoin d’accéder à la deuxième demande, moins importante, parce qu’elle considère (inconsciemment) que le demandeur a fait une concession en renonçant à sa demande initiale. Cialdini cite l’exemple d’un petit voisin, venu lui vendre des billets de tombola à 5 dollars pour une fête scolaire. Sachant qu’il ne s’y rendrait pas, Cialdini décline l’offre. C’est alors qu’une nouvelle demande lui est faite : acheter quelques barres de chocolat à 1 dollar pour participer au financement de l’évènement. Il accepte automatiquement cette seconde requête (réciprocité de concession).
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L’engagement et la cohérence.
Nous cherchons à être et paraître cohérents entre nos paroles, nos attitudes, nos croyances et nos actions avec une certaine constance dans le temps. Ce souci de cohérence, nous conduit à agir de façon à justifier nos décisions/ prise de paroles/comportements antérieures. Parce que la société valorise cette cohérence et qu’elle nous permet de gagner du temps sur les décisions et micro-décisions au quotidien, ce principe de cohérence est un levier puissant pour générer chez l’individu un engagement.
Mais la quête de cohérence et l’engagement qui en découle sont aussi une arme redoutable utilisée par les manipulateurs : en vous faisant faire une déclaration ou une action publique, les professionnelles de la persuasion peuvent vous conduire progressivement à en engagement croissants dans des actions beaucoup plus couteuse qui peuvent venir jusqu’à modifier vos croyances et les contours de votre identité.
C’est par ce levier que pendant la guerre de Corée, l’armée chinoise a réussi à faire collaborer des prisonniers américains : un simple concours d’écritures d’essai très légèrement procommuniste pour une récompense dérisoire et ce premier acte de ‘mini- collaboration’ les a conduits à participer à des actions de collaboration beaucoup plus importantes par la suite.
À moindre échelle, certaines ONG demandent une simple signature pour une pétition sur un sujet consensuel avant de demander un don. En vertu du pouvoir de la cohérence, les personnes qui auront signé la pétition vont majoritairement accéder à la demande de don.
Cette technique est appelée « le pied dans la porte » : demander un petit « engagement » avant d’en demander un plus important.
Le principe d’engagement fonctionne encore mieux si l’engagement est public, difficile à obtenir et s’il provient d’un cheminement intérieur
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La sympathie.
On dit plus souvent « oui » à une personne qu’on apprécie. Mais les mécanismes qui définissent qui ou ce qu’on apprécie ou pas sont inconscients. Il existe plusieurs biais cognitifs qui créent une sympathie ou une aversion pour une personne :
- L’effet de halo correspond à une interprétation et une perception sélective d'informations allant dans le sens d'une première impression; on prête par exemple à une personne attirante physiquement d’autres qualités : gentillesse, intelligence…
- La similarité : une personne qui nous ressemble (lieu de naissance, situation familiale, hobbies) nous est plus sympathique
- Les compliments : une personne qui nous fait des compliments nous est plus sympathique surtout si ces compliments sont perçus comme authentiques. Attention aux maitres-renards.
- Le biais d’association : on prête les traits de caractères d’une personne, les caractéristiques d’un produit aux choses/ personnes auxquels elles sont associées. Voilà pourquoi un yaourt se vent mieux si on voit une belle personne qui le mange dans la pub.
Dans la perse ancienne, le messager qui apportait des nouvelles sur la situation militaire était soit récompensé s’il emmenait une bonne nouvelle, soit exécuté si les nouvelles n’étaient pas bonnes. Une belle illustration, quoique que poussée à l’extrême de ce biais d’association : « The nature of the bad news infects the teller »
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La preuve sociale
Nous basons notre jugement et nos choix dans une situation donné sur ce que les autres trouvent approprié. C’est encore plus vrai quand une décision est entourée de beaucoup d’incertitudes et d’une multitude de choix.
Dans un restaurant, si on indique sur le menu qu’un des plats est le plus populaire ; même si ce n’est pas (encore) le cas il le devient : c’est une prophétie autoréalisée. Tous les sites internet marchands l’ont bien compris et signalent les produits les plus populaires.
Plus une personne me ressemble et plus je vais être plus tentée de faire le même choix. Les sites de reservation en ligne hôtel vont donc indiquer : hôtel préféré des familles avec jeunes enfants si je fais partie de cette démographie.
Si les autres le font c’est que c’est une bonne idée mais aussi que c’est faisable.
La preuve sociale peut avoir un effet négatif. Par exemple, des études ont montrées que le taux de suicide dans une école augmente après le suicide d’un des élèves.
Il est très important de comprendre ce principe car sa méconnaissance peut entrainer des campagnes de communication contre-productives. Par exemple, une campagne de préservation d’un site historique qui informe le public que le site se dégrade parce que de nombreuses personnes en collectent un souvenir va augmenter le nombre de contrevenants. Loin d’être dissuasive, en vertu de la preuve sociale, la campagne rend faisable et même souhaitable un acte de dégradation.
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L’autorité
Face un expert nous avons plus tendance à l’écouter et nous laisser convaincre. Mais ce que le cerveau considère automatiquement comme « expert » peut être utilisé par les professionnels de la persuasion pour vous influencer.
Nous considérons comme expert, ce qui est doté des symboles d’autorité
- Les titres : docteur, professeur,
- Les diplômes
- L’apparence physique
- Les vêtements (blouse blanche, uniforme,…)
- Les signes extérieurs de richesse
Une requête formulée par une personne en autorité, enlève la résistance comme l’illustre la célèbre expérience de Milgram.
Si l’expert/ la personne d’autorité est perçue comme honnête cela décuple sont pouvoir de persuasion. Pour ce faire, il lui suffit d’admettre une erreur ou un défaut mineur sur le produit pour paraitre pleinement authentique et lever toute forme de doute.
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La rareté
Nous attribuons plus de valeur à quelque chose qui n’est plus disponible. C’est pourquoi mettre sur le marché un stock limité de produits à tendance à accroire sa valeur perçue. Apple est très au fait de ce principe.
Il y a bien sur le principe de preuve social qui s’applique : si c’est rare, c’est peut-être parce que le produit est qualitatif et que beaucoup de monde en achète. Mais un autre mécanisme inconscient se met en place .
L’aversion à la perte est très forte chez l’être humain. Perdre la possibilité d’acheter un bien c’est perdre une possibilité de choix, donc de liberté. Cette perte de liberté déclenche un mécanisme psychologique automatique : la réactance psychologique. Quand la liberté de choix se trouve menacée nous y attachons plus d’importance et cela peut nous conduire à acheter un bien que nous ne souhaitions pas particulièrement à l’origine
C’est aussi vrai pour l’information : la censure accroit la valeur du message rendu indisponible.
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L’unité
L’unité est le dernier des leviers d’influence identifié par Cialdini. Il s’agit du rôle joué par le sentiment d’appartenance à un groupe, le « we-ness » sur nos choix. Ce 7eme principe ajouté à la nouvelle version de ce livre se base sur la découverte que nous sommes plus facilement influencés par les personnes capables de susciter un sentiment d’appartenance et d’unité. Cela va au-delà du principe de sympathie que nous inspire la ressemblance. Ainsi toutes les stratégies qui visent à vous donner un sentiment d’appartenance à une communauté peuvent potentiellement être utilisées pour vous influencer.
Par exemple, lors d’une expérimentation sur une levée de fond, les dons reçus ont augmentés de 250% lorsque les volontaires en charge de la collecte ont communiqué aux étudiants à qu’ils demandaient un don qu'ils étaient eux-mêmes étudiants : qu’ils faisaient donc partie de la même « communauté ».
Une note intéressante de l’auteur : On peut créer un sens de l’unité en faisant se mouvoir des personnes à l’unisson : en musique, dance, défilé militaire.
Voici donc les 7 leviers d’influence identifiés par Cialdini, soyez à présent attentif à ces stratégies dans votre quotidien : celles que vous subissiez mais aussi parfois celles que vous appliquez même inconsciemment….